• Exaspérés, les champions de l’info éco en continu envisagent de s’expatrier

    Mécontents de la lourdeur du Code du travail et des tracasseries administratives en tout genre dans notre pays, les champions français de l’info économique en continu songent sérieusement à s’expatrier. Dans un communiqué transmis ce jour à notre rédaction leur collectif « droit à l’info » nous fait part de l’exaspération de la profession.

    « Les acquis tels que le droit à l’oreillette à l’antenne sont menacés », nous dit leur porte-parole. « S’il faut reprendre la bataille que nous avons menée dans les années 2000 à ce sujet, nous le ferons ». Le ton se veut menaçant. L’irritation est sensible. S’il est devenu incontestable que cet accessoire, lien direct entre le présentateur à l’antenne et la rédaction fait désormais partie des incontournables des plateaux, les CHSCT des chaines concernées font la sourde oreille et dénoncent le danger grave et imminent en matière de charge mentale pour celui qui en est équipé. Appuyé par une note récente de l’INRS(1) à ce sujet, le secrétaire du CHSCT de BFM-TV que nous avons contacté, confirme le risque patent de burnout encouru par celui qui en est équipé à l’antenne. « La pression du direct conjuguée à l’injonction souvent peu aimable d’un directeur de chaine conduit à une forme de schizophrénie  latente. De nombreuses études, notamment américaines, en montrent les vrais risques à terme ». Risque en tout cas jugé sérieux par les représentants du personnel qui ont demandé le retrait de l’accessoire auriculaire pour la santé des présentateurs, et « pour le retour à une certaine spontanéité, une fraîcheur oubliée de l’info » nous ont-ils précisé.

    Mais les soucis ne se limitent pas à l’usage de cet accessoire. C’est en effet contre l’emploi « excessif » de l’anglais à l’antenne que le collectif appuyé par l’Inspection du travail cette fois se lance, chagrinant les rédactions. « L’ordonnance de Villers-Cotterêts, promulgué en 1539 et fondatrice de l’unité linguistique de la France est menacée ». Le Directeur Régional du Travail d’Ile de France y va de son couplet et fulmine contre les assauts incessants de ce qu’il appelle « un mauvais globish indigne de Shakespeare, non seulement à l’antenne, mais plus globalement dans les relations professionnelles ». Il rappelle l’Article L1221-3 du Code du travail ainsi que l’obligation d’usage du Français « sur tous les supports nécessaires à l’exécution du contrat de travail ». Sans attendre, il a récemment menacé de sanctions les chaines si elles ne se penchaient pas sérieusement sur les fondements des lois TOUBON de 1994 et a demandé à ce qu'elles reviennent très rapidement selon ses termes, à « un usage modéré de l’anglais et, dans le mesure du possible,  à préférer systématique l’équivalent français [qu'il] nous invite à redécouvrir ».

    Enfin, et ce n’est pas la moindre des tracasseries arrivées ces derniers jours sur le bureau de la Direction d’I-télé, l’instauration d’un contrôle systématique aux psychotropes après chaque direct a mis le feu aux poudres chez les présentateurs vedettes. Déjà la préconisation de suivi médical longitudinal n’était pas du goût des équipes. Il se murmure dans le milieu, que ce qu’on appelle pudiquement la « médication » de la profession est la règle. Plusieurs stars des plateaux s’adjoignent - ce serait un secret de polichinelle dans les rédactions - les services de « préparateurs » à la réputation sulfureuse. On comprend aisément que le sujet, qui met à mal la sacrosainte « glorieuse incertitude » de la compétition libre des chaînes entre elles, indispose les Directions d’antenne. Contactées, elles n’ont pas souhaité répondre à nos questions à ce sujet.

    « Notre profession est sous pression. Nous sommes de fait, en concurrence directe avec les mastodontes américains tels que Fox News ou Bloomberg TV. L'accumulation de ces contraintes nous conduit droit dans le mur. Le carcan de la réglementation française nous disqualifie de la compétition mondiale. Nous serons à court terme tous contraints à l’expatriation ». C’est en ces termes que le communiqué conclut un véritable réquisitoire pour une nécessaire déréglementation de la profession. L’affaire a été portée par le collectif des  métiers de l’info en continu sur le bureau du Ministre du Redressement productif. Son chef de cabinet nous a indiqué que dans la conjoncture actuelle où l’inversion de la courbe du chômage nourrit un espoir ténu, le Ministre considère la question avec gravité et sérieux.

    (1(1)    Institut National de Recherche et de Sécurité


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