• Mon voisin, il est vachement bath' !

    Mon voisin, il est vachement bath'. Bien sûr, c'est pas une lumière. Depuis près de dix ans qu'on est mitoyens, on n'a guère echangé plus d'une salve de deux phrases de cinq mots environ, le tout en pas plus de trois ou quatre fois. J'ai assez rapidement su qu'il était bas de plafond. Plus que le bétonnage intégral de son coin terrasse, c'est sa façon vicieuse d'écourter les pousses tendres et aventurières de ma vigne, celles qui ont l'outrecuidance de pousser en surplomb de son bitume, entre le pouce et l'index comme ça, couic, qui m'a mis la puce à l'oreille. Intuition confirmée par les innombrables installations métalliques qui enserrent son jardin et aussi ses plates bandes ouvragées qu'il maintient du plus mauvais goût et qu'il s'ingénie à défigurer par petites touches lourdingues.

    N'empêche qu'il est un peu mon pense bête a moi. S'il m'arrive d'avoir un doute sur le moment propice pour tailler mes haies par exemple, je n'ai qu'à faire confiance à sa connaissance des éphémérides. Des fois par bienveillance, il taille SA moitié de notre rangée de thuya commune, m'indiquant de cette façon, et sans conversation superflue, que c'est le moment propice. "Eh, voisin, la lune est descendante !" Oui car chez lui, je m'appelle "le voisin". Je le sais bien, leurs conversations familiales résonnent assez bien sur leur terrasse bétonnée, lors des rares repas où ils mangent dehors.

    Car une autre caractéristique de cet ours est qu'il vit essentiellement en intérieur. Été comme hiver, la moitié de ses volets reste fermé. Chaque samedi matin que Dieu fait, il engage une diable de partie de perceuse à percussion dans son garage. Généralement tôt. Mais me gêne pas trop car je suis assez matinal, même le week-end.

    Si jamais une incertitude surgit dans mon esprit quant au jour de passage du camion poubelle, je n'ai qu'à agir pas mimétisme: il sait saisir, lui, les bonnes lignes du bulletin municipal, par exemple les semaines subtiles du mois de mai aux nombreux jours fériés, pour dénicher l'info sur le jour et l'heure de ramassage. Ces jours-là, le soir une fois la poubelle vidée, le premier arrivé roule la boubelle de l'autre près de son portail.

    C'est un peut notre façon à nous de nous manifester notre ignorance mutuelle, mais cordiale.


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