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    Alain SOUCHON dans le métro

    Par obligation, il m’arrive régulièrement de me rendre à Paname. Cet exercice ne m’est généralement pas désagréable. D’abord parce que j’y ai vécu un temps et que, pour un cul-terreux, j’y navigue très à l’aise. Ensuite, parce que la faune qu’on y croise m’amuse follement. Le plus pénible, finalement, demeure la traversée de la Beauce en train. Comment peut-on conserver le goût de la vie dans un pays aussi morne ?

    Bref. L’autre jour, je pris le train très tôt pour la capitale. Après quelques courtes heures vaseuses faites de lecture, de café et de ronflette, Montparnasse m'accueillit. Au terminus du TGV, je me retrouvai fissa dans les dédales encombrés du métro et j’intégrai en quelques minutes un wagon dont l’épaisse odeur de pet habituelle acheva de m’indiquer que j’étais bien arrivé. Je m’agrippai rapidement à la barre chromée couverte de coliformes disposée à cet effet et me laissai emporter par la rame.

    Sac au dos, col remonté, j’affectai cet air absent voire fuyant qui sied à l’endroit. L’art du caméléon permet ici d’éviter l’échange, le croisement de regard ou pire – grands Dieux – la conversation. Pourtant, et je ne manquerais cela pour rien au monde, j’observai comme à mon habitude mes congénères bien malchanceux de ce quotidien glauque. Beaucoup s’adonnant à la lecture de cette presse gratuite et insipide. La plupart absorbés par l’écoute attentive bien au fond des oreilles, d’une musique vraisemblablement captivante. Tous attendant que ce moment fort désagréable fut passé.

    Tout à coup, le quidam qui se trouvait assis sur l’un des strapontins jouxtant la barre infectée que je cramponnais fermement, frôla du bout de sa chaussure l’extrémité du pli inférieur de la jambe gauche de mon pantalon. Trouvant prétexte de cet événement extraordinaire, je tournai les yeux vers l’importun et croisai alors le regard d’un homme coiffé d’un chapeau dont s’échappait de part et d’autre de la tête, des touffes de cheveux roux bouclés et clairsemés. Entre les pointes relevées de son col démesuré, une bouche contrite me souffla « pardon !».

    J’y répondis d’un regard plein de bienveillance pardonneuse. Car le provincial est magnanime. Il sait distribuer en ces contrées en perdition, un peu de cet humanisme qui pousse encore un peu au cul des vaches. Il sait surtout rester léger quand les circonstances le demandent.

    Je n’ai pas voulu déranger davantage ce quidam, en métro malgré une célébrité pesante qui doit forcément lui interdire la vie simple des transports en commun.

     


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